BILAN OPA : RECHERCHE D’ENTREPRISES PARTENAIRES

Méthodologie employée

Pour la recherche d’entreprises et/ou d’organisations partenaires, je me suis appuyée sur mon réseau et celui qui m’a été apporté par les membres du Syndicat Potentiel et Marta Caradec qui a souhaité nous aider sur le projet pendant quelques semaines entre mi-janvier et mi-mars.

J’ai ainsi privilégié les entreprises susceptibles d’être intéressées par une démarche artistique et celles au sein desquelles je pouvais bénéficier d’une entrée, d’un appui.

Je suis également entrée en contact avec les organismes professionnels représentant les entreprises et le monde économique afin d’obtenir des relais et des appuis d’une autorité venant de l’intérieur de ce milieu.

J’ai systématiquement appelé les entreprises de mon fichier pour présenter le projet au téléphone dans un premier temps dans la plupart des cas, suivi d’un envoi de mail comportant les documents présentant le projet (plaquette, budget), parfois d’un courrier en fonction des préférences de mes interlocuteurs. Chacun de ces envois a été suivi ensuite d’une relance ou de plusieurs relances pour obtenir un rendez-vous, une réponse.

Les résultats

Au final, j’ai pu avoir 47 réels échanges avec un décideur au sein de l’entreprise (échange téléphonique, de mail et/ou rendez-vous) sur 80 prises de contact.

2 organisations ont contractualisé l’accueil d’un artiste en immersion : ARTE GEIE et son Comité d’entreprise (chaîne de télévision) et GStudio (cabinet d’architectes).

Ont ainsi été immergés cette année 3 artistes :
Marie Bouts, au sein d’Arte GEIE du 21 avril au 16 juin 2008.
Julie Vayssière au sein de Gstudio du 22 au 26 avril 2008 et du 1er septembre au 31 octobre 2008.
Stéphanie Leininger au sein de Gstudio du 20 novembre au 20 décembre 2008.

Sur les 33 entreprises contactées au mois de juillet, 2 se sont déclarées intéressées par l’accueil d’un artiste en immersion en 2009.

Sur l’ensemble des 80 entreprises contactées seules 12 ont définitivement décliné la proposition.

BILAN OPA : ELEMENTS DE REFLEXION PERSONNELS

Au terme du développement actif d’OPA (Offre Publique d’Art) des questions se posent, non sur la pertinence de l’immersion d’un artiste au sein d’une entreprise, mais plus sur les modalités de mise en place d’un tel programme.

Artistes en entreprises : un pari impossible ?

Comment se fait-il que sur quarante-sept entreprises auxquelles le projet a été présenté, seules deux d’entre elles aient accepté d’accueillir un artiste en immersion au sein de leur entreprise, leurs locaux, parmi leurs personnels ?

Un chef d’entreprise peut-il assumer le risque de faire intervenir un artiste au sein de son établissement, sans savoir à l’avance ce que celui-ci va produire, si cette production sera de son goût ni même s’il produira quoi que ce soit, éventualité admise par le programme ?

Si la relation entre les mondes de l’art et de l’entreprise « ne va pas de soi » nous dit Clément Bastien, étudiant en sciences politiques qui termine une étude sur « Les investissement des entreprises alsaciennes dans le domaine artistique » commanditée par le Medef du Bas-Rhin, la méconnaissance de l’art contemporain par l’entreprise est-elle un frein à l’immersion d’artistes au sein d’organisations ?

Faire connaître l’art contemporain et ses formes

Il est indéniable, et je l’ai constaté lors de mes entretiens avec des dirigeants, que les formes processuelles produites par l’art contemporain et en interaction avec un spectateur agissant, celles auxquelles recourent les artistes membres de l’équipe OPA, que je présentai à mes interlocuteurs (performances, dispositifs participatifs, actions, modélisations dessinées à partir de données récoltées, films vidéo) n’étaient pas connues d’eux. Ces formes les ont parfois décontenancés mais plus souvent surpris, étonnés, interpelés. Certains ont entrevu des possibilités d’actions avec leurs personnels, d’autres ont craint pour la confidentialité de leurs données, certains y ont vu un moyen d’intervenir sur des problématiques sourdes de leur entreprise, d’autres ont estimé qu’il n’y avait rien à faire d’intéressant dans une usine pratiquant les 3/8, certains se sont dit qu’insuffler de l’art dans le quotidien de leurs collaborateurs ne pouvait qu’être positif, d’autres ont pensé que leurs chauffeurs n’accepteraient pas d’accueillir un artiste dans leur cabine… La plupart a demandé à être tenu au courant « de la suite », des actions réalisées, « pour voir ».

Une médiation autour de l’art contemporain en direction du public des entrepreneurs apparaît donc essentielle. Pour qu’il y ait passage à l’acte, il semblerait qu’il faille que le décideur connaisse l’artiste ou au moins les formes d’art qu’on lui propose d’accueillir mais aussi qu’il parvienne à envisager qu’une expérience artistique puisse se dérouler dans son environnement professionnel. Pour les deux organisations qui ont accueilli des artistes en immersion ces conditions étaient réunies.

Il est compréhensible qu’un futur commanditaire ait besoin d’être rassuré sur le professionnalisme de l’artiste qu’il envisage d’accueillir. Les références d’un artiste, ses publications, sa revue de presse me semblent autant d’arguments à même de convaincre un chef d’entreprise de lui ouvrir les portes de son établissement. L’appui d’intermédiaires, experts de l’art contemporain, directeurs de centres d’art ou entreprises de conseil art et management peuvent également contribuer à donner des repères et une certaine forme de garantie au chef d’entreprise dans la pertinence de son choix s’il en ressent le besoin.

Une nécessaire rencontre entre deux désirs

Ces critères « rationnels » d’appréciation ne sont pourtant pas suffisants. L’immersion d’un artiste au sein d’une entreprise ne peut avoir lieu que dans la rencontre entre deux curiosités, deux désirs d’ouverture, de questionnement, d’étonnement. Quel que soit l’intermédiaire, le cursus de l’artiste ou la renommée de l’entreprise, une immersion n’est possible que si cette rencontre a lieu.

Ce désir de travailler et de créer en relation avec des entreprises privées ou publiques, des administrations, des associations est avéré chez les artistes. Les motive tant le souhait de travailler en relation avec la société, de se confronter au réel et à autrui que de vivre de leur pratique.

Les expériences ne sont pas si rares, même dans notre région. A la faveur de l’atelier-formation que j’ai initié en octobre dernier avec Hélène Mugnier, consultante Art& Management, huit artistes nous ont ainsi rejoints pour partager leurs questions mais aussi leurs expériences. De portraits de commande réalisés pour une étude de notaires à la co-réalisation de boîtes à musique avec les déchets d’une entreprise de cartonnage en passant par un tournage avec les motards du Tour de France dans un studio de la SFP, les expériences de partenariat avec le monde de l’entreprise ne manquent pas. Nous relevons cependant que pour chacun des participants présents autour de la table un flou quant à leur statut est apparu dans cette relation : étaient-ils exécutants, artisans ou artistes ? Les choses bien souvent n’avaient pas été posées clairement au début de la relation, engendrant ensuite pour l’artiste des compromis qui pour certains les empêchent aujourd’hui de valoriser le travail accompli.

Une œuvre créée au sein d’une entreprise peut-elle s’en abstraire ?

La question du statut d’une œuvre réalisée par l’artiste en immersion se pose. Dans la mesure où elle a été réalisée au sein d’une organisation et où elle implique des personnes qui y travaillent, ceux-ci en deviennent-ils ses coauteurs ? Est-elle une œuvre collective divulguée sous le nom de l’artiste ? L’œuvre peut-elle avoir une existence propre au-delà de la période d’immersion, éventuellement être vendue, circuler sur le marché, devenir un objet d’art ?

Dans le cadre d’expériences clairement affirmées comme des interventions d’artistes en entreprise relatées lors des rencontres-discussions OPA d’octobre, les artistes d’Interim ont présenté les traces de leurs actions, diaporamas et films, objets fluides destinés à montrer l’éphémère pour partager l’expérience. Marie Reinert, en résidence aux Archives départementales d’Ille et Vilaine dans le cadre de la Biennale de Rennes, nous a présenté le film qu’elle y a réalisé en partenariat avec un ergonome du travail et dans lequel sont impliqués les salariés des archives. Ce film existe sous forme d’installation, les conditions pour le montrer impliquent un dispositif particulier, c’est une œuvre qui peut circuler, être installée et montrée dans un espace muséographique. Une œuvre qui fait sens et affirme son caractère fictionnel lorsqu’elle est abstraite de son contexte.

Redonner aux acteurs le choix d’être un public, replacer les œuvres dans le contexte de l’art

Que l’artiste immergé produise des formes immatérielles ou matérielles, que seules subsistent des traces de son action ou qu’apparaissent des formes pérennes, il me semble important que soit prévue une monstration du travail réalisé dans un lieu d’art. L’objectif en est valoriser le travail de l’artiste, non seulement pour lui mais aussi pour l’entreprise et ses salariés qui auront côtoyé, voire participé à la réalisation de son travail. En réintégrant les productions de l’artiste dans le contexte habituel d’exposition des œuvres, on opère un aller-retour entre les mondes de l’art et de l’entreprise. On permet au salarié de choisir d’aller ou non vers l’œuvre qui a été/s’est produite au sein de son entreprise, d’agir en « spectateur émancipé ».

A côté de la mise en place d’un système, tel qu’OPA, la solution pour créer une forme d’évidence sur la présence de l’artiste au sein des organisations ne résiderait-elle pas dans le choix par des institutions artistiques d’exposer ce type d’expériences artistiques ? Dans le choix par des galeristes de défendre des artistes travaillant dans ce sens ? C’est en multipliant les immersions en entreprise et en leur donnant une visibilité dans le champ de l’art qu’émergera et s’affirmera un art pertinent dans sa relation à l’entreprise, en tant que forme esthétique à même d’introduire un étonnement dans l’espace de l’expérience commune.

Post-it (sélection semaine 36)

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16, 17 et 18 OCTOBRE 2008 • QUAND L’ART FAIT DE L’ENTREPRISE SA MATIÈRE

3 JOURNEES DE RENCONTRES ET DE REFLEXION •
3 PROJETS ASSOCIANT LE MONDE DE L’ART ET DE L’ENTREPRISE :
OPA • DISPERSION CONTRÔLEE • ATELIERS DE RENNES •

Quand l’art fait de l’entreprise sa matière

Qu’est-ce que l’artiste vient faire dans l’entreprise ?

Dix mois après le lancement du programme OPA • Offre Publique d’Art, le Syndicat Potentiel organise trois journées de rencontres avec des artistes plasticiens et des responsables d’organisations qui ont fait le choix de faire se rencontrer leurs univers et pratiques.

A leurs côtés, des membres du groupe de réflexion, professionnels du monde de l’art et de l’entreprise, mettront en perspective ces expériences singulières dans le champ élargi des expériences associant ces deux secteurs d’activité.

Partage d’expérience, dialogue entre acteurs concernés et avec le public intéressé pour tenter de dresser un premier bilan de l’action et de répondre à ces questions récurrentes :

Pourquoi OPA propose à des organisations de devenir une «matière» de création ?
Qu’ont produit les artistes dans leurs entreprises d’immersion ?
Pourquoi un cabinet d’architectes a-t-il accepté de donner carte blanche à une artiste ?
Quelles étaient les motivations du comité d’entreprise d’Arte GEIE pour faire intervenir des artistes en relation avec les salariés ?
Quelles surprises ont réservé les deux immersions OPA chez Arte GEIE et GStudio ?
Qu’ont retenu les artistes de leurs séjours en entreprise ?

L’infiltration de l’art dans le monde de l’entreprise est un sujet d’actualité. Les immersions OPA ne se proposent ni de décorer un couloir ni d’accroître la productivité mais de partager un processus de création à même de produire du sens et de l’étonnement dans l’espace de l’expérience commune.

Quelles sont les questions posées, les perspectives ouvertes par cette approche singulière ?

Programme

Jeudi 16 octobre

13h00 - Accueil par le Syndicat Potentiel
13h15-15h00 - Conférence d’ouverture
OPA, présentation, réalisations et enjeux par Catherine Gier (chef de projet OPA).
18h00-20h00 -Rencontre-discussion
OPA - Immersion de Marie Bouts chez ARTE GEIE avec Marie Bouts (artiste), Hélène Mugnier (conseil art et management, membre du groupe de réflexion OPA), Laurence Stutzmann (chargée de mission RH et Organisation, ARTE GEIE), Jean-Philippe Beinert (président de la CCLOS du Comité d’entreprise d’ARTE GEIE).
20h00 - Projections
Interim [Dispersion contrôlée], David Zurmely, documentaire, 26’
Tirer sur la corde [un jeu de l’oie], Catherine Gier, 19’
Faire, Marie Reinert, 13’

Vendredi 17 octobre

9h00-12h00 - Atelier-formation
Etude de projets d’artistes en relation avec le monde économique : faisabilité, conseils, partage d’expériences. Animé par Catherine Gier et Hélène Mugnier, (sur inscription et envoi d’une présentation du projet sur une page A4 maximum, limité à 12 participants).
13h00-15h00 -Rencontre-discussion
Dispersion contrôlée [une semaine de ruche en réseau], intervention d’Interim-équipe d’artistes chez ARTE GEIE en présence de Céline Ahond, Marie Bouts, Julien Celdran, Lou Galopa, Catherine Gier, Séverine Hubard, Alice Retorré, Till Roeskens, présentée et animée par Olivier Grasser (directeur du FRAC Alsace, membre du groupe de réflexion OPA).
16h00-17h30 - Rencontre-discussion
Les Ateliers de Rennes - Séjour de recherche et de création en entreprise de Marie Reinert au Conseil Général d’Ille et Vilaine avec Marie Reinert (artiste).
18h00-20h00 - Rencontre-discussion
OPA - Immersion de Julie Vayssière chez GSTUDIO avec Julie Vayssière (artiste), Paul Ardenne (critique d’art, membre du groupe de réflexion OPA), Olivier Greder (architecte, GStudio), Michaël Osswald (architecte, GStudio), Emmanuelle Rombach (GStudio).

Samedi 18 octobre

13h30-18h00 - Immersion-visite
OPA – Immersion de Julie Vayssière chez GSTUDIO, découverte des lieux d’immersion de l’artiste à Strasbourg et Sainte-Croix-aux Mines, en compagnie de l’artiste et de membres de GStudio (sur inscription).
18h00-19h00 - Promenade
Sainte-Croix-aux-Mines et autour, balade sur une proposition de l’artiste (sur inscription).
19h30-… Repas-Projection
Occupation maximale de la maison G070 à Sainte-Croix-aux-Mines, 10 rue des Coccinelles.

Informations pratiques

Quand ? 16, 17 et 18 octobre 2008

Où ? Ouverture au public le 16 octobre à 13h00 à la Maison des associations, 1a place des Orphelins à Strasbourg. Entrée libre.

Inscriptions atelier-formation du 17 octobre et journée du 18 octobre ? 03 88 37 08 72 ou catherine.gier[arobase]action-opa.fr

Olivier Greder : Un projet social de développement humain partagé au sein de l’entreprise.

Ce qui m’intéresse dans le projet OPA, c’est son potentiel à pouvoir générer des richesses non-utilitaristes.
L’immersion d’un artiste rémunéré dans l’entreprise selon les principes du projet OPA, ne vise pas la stimulation de la technocratie managériale, ni la production d’une œuvre pour la collection de ses dirigeants.
La cause est ailleurs.
Miser sur la fertilité que des rencontres entre des personnes d’imprégnation culturelle différente peuvent produire et faire de cette richesse un projet social de développement humain partagé au sein de l’entreprise, est ce qui me parait manifeste dans ce projet.
L’immersion d’un artiste dans l’entreprise selon les principes du projet OPA, c’est de la communication au sens actif ; quand des échanges intéressants sont possibles du fait des différences.
Il n’y a pas d’accord nouveau réel possible sans désaccord initial.
Le régime de l’obsession consensuelle et de la pseudo harmonie, entraîne l’abandon, voir le rejet de toute attitude ou forme de critique.
L’application globale du phénomène aboutit à la spoliation de la multiplicité des opinions et croyances au profit de la raison ambiante, tautologique.
Pour permettre d’arriver à un consensus, il faut très souvent sacrifier ses réticences, ou tout du moins les taire un moment pour simuler l’accord ; toute attitude critique est fort mal venue.
Le projet OPA réintroduit l’expérience courageuse de la confrontation. Etre au cœur de la fragilité, avoir la possibilité de faillir font partie intégrante de l’expérimentation. Le projet OPA permettrait de dépasser les consensus stériles et de refuser les échanges non dialogiques.
L’idée d’expérimenter une œuvre relationnelle sans contrepartie de valorisation conventionnelle au cœur de la fabrication des plus-values économiques, est une sorte d’exagération sûrement porteuse.
L’accord trouvé avec l’entreprise pour convenir de l’immersion d’un artiste dans les conditions du projet OPA, ne naît-il pas d’un décalage si grand au départ qu’il ferait advenir une sorte de compatibilité à l’endroit de logiques inconciliables ?

Ça produit quoi, une immersion ? Quelques éléments concrets de réflexion.

Les retours des personnes accueillant les deux premières artistes en immersion : Marie Bouts chez Arte et Julie Vayssière chez Gstudio sont positifs, enthousiastes même.

Mon vécu de l’intérieur, à la fois en tant qu’organisatrice et qu’artiste impliquée, de l’intervention d’Interim chez Arte m’a également permis de valider le présupposé de départ d’OPA : l’intérêt de la contamination d’une organisation humaine tant pour l’artiste que pour l’entreprise qui devient son terrain d’observation, d’étude, d’invention, d’imagination. Les effets de la présence d’un artiste sont multiples : questionnement sur le quotidien et la réalité de l’organisation investie, déplacement et effet miroir de la pratique de travailleur, bouleversement des habitudes, introduction d’énergie, d’air, d’enthousiasme, d’éphémère, de révolte, de poésie dans des logiques de productivité, de gestion, du geste nécessaire et utile. Multiplication des sourires francs sur les visages, jour après jour. Sensation d’une modification du battement interne de l’entreprise, accélération, due aussi au nombre d’artistes intervenant ensemble au sein de l’entreprise, en « commando ».

Poursuivre le projet OPA, c’est mettre à profit toute l’expérience acquise dans le cadre du projet d’intervention d’Interim chez Arte, de l’immersion plus longue en ces mêmes lieux de Marie Bouts, pour convaincre d’autres organisations de sauter le pas, de se lancer.

C’est permettre à l’art d’investir d’autres champs que ceux qui lui sont habituellement dédiés : le musée, la galerie, pour inventer de nouvelles règles de développement de l’activité artistique en relation avec la société, de nouvelles modalités de rémunération des artistes, non pour la seule production d’objets mais pour le libre jeu de leurs facultés de création au sein d’un organisme exogène, pour créer de nouveaux usages dans la diffusion de l’art dans la société et espérer ainsi multiplier les débouchés professionnels pour les artistes à côté du marché de l’art conventionnel, c’est réaliser l’utopique et souhaitable confusion de l’art et de la vie dans un temps d’activité essentiel et problématique pour une majorité d’êtres humains.

C’est enfin créer des situations nouvelles et exemplaires,  à partir desquelles réfléchir sur les modalités du fonctionnement du monde du travail, interroger la fonction de salarié et d’indépendant, mettre en perspective les limites et les risques de chacune de ces postures à l’échelle globale de la société. Regarder un artiste œuvrer dans une entreprise : grain de sable ou eau apportés au moulin de l’entrepreneur et du système qu’il a bâti, divertissement ou remise en question de ses employés et collaborateurs ?..

Les formes de l’action

L’action OPA engendre la production de formes, chaque semaine, par les six artistes rendant compte de leur activité par le biais de 5 restitutions publiées sur 1 blog et affichées sur 6 tableaux d’affichage installés dans les entreprises d’immersion et au Syndicat Potentiel où se met également en place 1 centre logistique activé par l’artiste chef de projet sur toute la durée de l’action. Au terme de cette première édition d’OPA, 1 événement public est organisé permettant d’associer monstration et réflexion du travail accompli.

A. Cinq restitutions
Les cinq artistes rendent compte chaque semaine de leur situation d’immersion par le biais de six restitutions:
1. le débriefing (texte : actions en cours, réflexion sur l’évolution de son intervention et les incidences éventuelles de cette expérience sur sa pratique),
2. la fiche horaire (formalisation libre),
3. le lieu de travail (photo vue d’ensemble et détail),
4. les post-it (l’essence, la question, la nouveauté, le changement de la semaine) ;
5. la revue de presse (article, extrait d’une lecture).

B. Un blog
Le blog OPA, sur le modèle du projet Précaritas. Outre les restitutions de chacun des artistes, deux espaces sont prévus pour les échanges collectifs : la tribune des artistes OPA et celle du groupe de réflexion.

C. Six tableaux d’affichage
Les tableaux d’affichage, tableaux blancs magnétiques sur lesquels sont affichées chaque semaine les 6 restitutions des artistes. Ces 6 tableaux sont installés dans le(s) centre(s) d’art partenaires du projet et actualisés chaque semaine (les éléments sont transmis par le Syndicat Potentiel aux lieux partenaires du projet). Enfin, chaque artiste actualise son propre tableau accroché dans son organisation d’accueil.

D. Un centre logistique
Dispositif installé par Catherine Gier au Syndicat Potentiel, composé d’1 estrade, des 6 tableaux d’affichage, de 23 boîtes-archives et du bureau OPA - espace de travail open space de l’artiste-coordinatrice de l’action.

E. Une présentation publique du travail accompli
Un moment global de restitution sera pensée au terme de cette première session d’OPA : édition, exposition dans un centre d’art partenaire du projet, exposition pour chaque artiste dans son lieu d’accueil avec temps de visite pour les salariés, leurs familles et le grand public – organisation d’un événement autour de ce parcours…

Outre cet ensemble de six restitutions et l’actualisation hebdomadaire de leur tableau blanc dans leur lieu d’accueil, les artistes n’ont pas de contrainte de production d’un objet au terme de leur période d’immersion, à moins qu’ils s’y soient engagés dans les obligations réciproques du contrat qu’ils auront signé avec leur organisation d’accueil.

Pistes de travail : Delphine Rigaud

- Organisations des postes de travail (photo et/ou dessin)
- Architecture du lieu physique de l’entreprise : différences entre les lieux dédiés aux différentes tâches/fonctions de l’entreprise. (Dimensions, déco, vocabulaire visuel identifié…)
- « Travailleurs de l’ombre » : personnel d’entretien, livreurs, gardiens de nuit, remplisseur de machine à café… Montrer le hors champs, le hors temps de l’entreprise. (Action documentée par vidéo, enregistrements sonores, photos)
- Notions de contraintes tacites ou explicites. (dessin, graphiques…)
- Lieux « off » du bâtiment : les endroits où personne ne va jamais, où la production est zéro (photo, repérage sur plan, édition d’un plan de visite).
- Les temps charnières : passages/ moments où l’individu passe du statut de particulier lambda à celui d’employé de l’entreprise : entrée & sortie d’usine, changement de tenue, pointage… (vidéo, photo)
- Dans le cas d’une immersion dans une entreprise dont l’activité est immatérielle (entreprise de services), quelle est la masse de résidus matériels produite ?
- Question du temps de l’entreprise : comment le rendre lisible autrement qu’avec une horloge ? Qu’est-ce qui rythme l’activité ?

Pistes de travail : Francis Guerrero

- Mise en place de dispositifs favorisant la prise de responsabilité et permettant aux usagers de participer à la réalisation d’une œuvre.
- Création de récits-fictions à partir du contexte de l’entreprise.
- Mise en place de processus de captation du vécu des personnels en fonction des problématiques repérées dans le lieu d’immersion, outils interactifs appropriables par les usagers.
- Travail poétique à partir des jargons propres au champ professionnel investi.
- Réalisation d’un film «carte postale» d’identification des décors de l’entreprise.
- Repérage et traçage des déplacements dans l’entreprise.

Le cadre de l’action

 A. Cinq artistes plasticiens en immersion dans cinq organisations privées ou publiques de la région Alsace
Le premier groupe d’intervention rassemblera Francis Guerrero, Stéphanie Leininger, Alice Retorré, Delphine Rigaud et Julie Vayssière. Outre leur capacité à créer en relation à autrui et au contexte dans lequel ils interviennent, ces cinq artistes s’impliqueront dans une dynamique d’échange et de réflexion partagée autour de cette expérience.

B. Une artiste plasticienne coordinatrice du projet en immersion au Syndicat Potentiel
Catherine Gier, après avoir été l’une des artistes sélectionnée pour participer au dispositif Précaritas, poursuivra sa mission au sein du Syndicat Potentiel en développant et coordonnant le projet OPA.
Elle aura pour mission de monter le dossier-projet, de fédérer les partenaires, de procéder aux recherches de financement, d’animer l’équipe d’artistes, de contribuer à développer le groupe de réflexion accompagnant le projet, de gérer les relations presse et d’assurer le suivi de l’action auprès des entreprises et institutions d’accueil et des artistes en immersion.

C. Un contrat d’intervention et une convention de mécénat
Un contrat est signé entre l’artiste, l’organisation d’accueil et le syndicat potentiel.
Le contrat précise les modalités de l’intervention de l’artiste, défini la durée d’immersion (3 mois au moins) ainsi que les obligations réciproques auxquelles chacune des parties en présence accepte librement de se soumettre (ces obligations sont précisées en fonction de la relation particulière qui s’établit entre chaque artiste et sa structure d’accueil au cours d’une première période d’entrée en relation).
Le contrat précise également le montant de la rémunération, des frais de production, d’hébergement et de déplacement qui seront versés à chaque artiste. Enfin, une convention de mécénat est signée entre l’organisation d’accueil et le syndicat potentiel, qui précise la nature et le montant du don, les obligations du bénéficiaire ainsi que le titulaire des droits d’auteur.

D. Une rémunération d’intervention
La rémunération des artistes se fait sur production de leur part d’une facture d’honoraires spécifiant leurs actions et productions. Ces honoraires se montent à 1500 euros par mois d’intervention.

E. Une enveloppe de production
Une enveloppe destinée aux éventuels frais de production des artistes en immersion est ouverte.
Celle-ci se monte à un maximum de 2000 euros par artiste. Le déblocage de cette enveloppe se fait sur présentation des factures engagées dans le cadre d’une production réalisée dans le contexte spécifique d’OPA.

F. Une action fédératrice
L’action OPA se conçoit sur le mode d’un partenariat entre les six artistes, le Syndicat Potentiel, les organisations d’immersion et les organismes de tutelle du monde de l’art et de l’économie :
- DRAC Alsace, FRAC Alsace, CRAC, Réseau Art Contemporain Alsace, Musées de Strasbourg, Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg, Le Quai Ecole Supérieure d’Art de Mulhouse
- Région Alsace, Département du Bas-Rhin, Département du Haut-Rhin Ville de Strasbourg ;
- CCI de Strasbourg, Colmar et Mulhouse, Chambre des Métiers, CRES, ANPE, ADMICAL, Club CIMESS…).