Pistes de travail : Catherine Gier

Artiste immergée au sein d’une organisation humaine, je choisirais de travailler sur les problématiques suivantes :

- L’accueil, l’interface de l’entreprise avec l’extérieur : clients, prestataires de services extérieurs, fournisseurs, candidats à l’embauche (travail à partir d’enquêtes anonymes et restitution sous forme de performance, de livre).
- Le bien-être, le confort sur le lieu de travail (installation participative, création d’un environnement sonore et d’un espace favorisant la détente et la récupération).
- La question du corps et de son engagement dans le travail que l’activité du salarié soit à dominante physique ou intellectuelle (travail à partir de schémas, d’articles scientifiques, de textes littéraires, d’extraits de films, d’images d’archives et de photographies prises dans l’entreprise d’immersion pour créer une somme visuelle évocatrice, édition d’un livre d’images).
- Le labeur, facteur d’utilité, de légitimité sociale (conférence-débat, multiplication de petits groupes de réflexion associant l’artiste, des salariés n’étant pas amenés à travailler ensemble habituellement, éventuellement un sociologue).
- Le recyclage des déchets papier récoltés dans l’entreprise (accumulation, transformation, sculpture).
- La transversalité entre services, la capacité à travailler, à inventer ensemble (organisation d’un voyage d’entreprise avec invention participative préalable du parcours et des étapes, intervention sur l’intranet).
- La connexion de l’entreprise au monde, mise en perspective de l’entreprise et de ses réseaux (par secteur d’activité, taille, inscription dans des démarches qualité soumises à des normes internationales, ancienneté, etc., visualisation sous forme graphique).
- Les standards, les normes, notamment iso 9001, 14000 et 26000 (travail sur le vocabulaire, la fabrication, l’histoire des normes, contribution, invention d’articles pour la norme 26000 en cours d’élaboration, restitution sous forme de film).

Les formes de l’action

L’action OPA engendre la production de formes, chaque semaine, par les six artistes rendant compte de leur activité par le biais de 5 restitutions publiées sur 1 blog et affichées sur 6 tableaux d’affichage installés dans les entreprises d’immersion et au Syndicat Potentiel où se met également en place 1 centre logistique activé par l’artiste chef de projet sur toute la durée de l’action. Au terme de cette première édition d’OPA, 1 événement public est organisé permettant d’associer monstration et réflexion du travail accompli.

A. Cinq restitutions
Les cinq artistes rendent compte chaque semaine de leur situation d’immersion par le biais de six restitutions:
1. le débriefing (texte : actions en cours, réflexion sur l’évolution de son intervention et les incidences éventuelles de cette expérience sur sa pratique),
2. la fiche horaire (formalisation libre),
3. le lieu de travail (photo vue d’ensemble et détail),
4. les post-it (l’essence, la question, la nouveauté, le changement de la semaine) ;
5. la revue de presse (article, extrait d’une lecture).

B. Un blog
Le blog OPA, sur le modèle du projet Précaritas. Outre les restitutions de chacun des artistes, deux espaces sont prévus pour les échanges collectifs : la tribune des artistes OPA et celle du groupe de réflexion.

C. Six tableaux d’affichage
Les tableaux d’affichage, tableaux blancs magnétiques sur lesquels sont affichées chaque semaine les 6 restitutions des artistes. Ces 6 tableaux sont installés dans le(s) centre(s) d’art partenaires du projet et actualisés chaque semaine (les éléments sont transmis par le Syndicat Potentiel aux lieux partenaires du projet). Enfin, chaque artiste actualise son propre tableau accroché dans son organisation d’accueil.

D. Un centre logistique
Dispositif installé par Catherine Gier au Syndicat Potentiel, composé d’1 estrade, des 6 tableaux d’affichage, de 23 boîtes-archives et du bureau OPA - espace de travail open space de l’artiste-coordinatrice de l’action.

E. Une présentation publique du travail accompli
Un moment global de restitution sera pensée au terme de cette première session d’OPA : édition, exposition dans un centre d’art partenaire du projet, exposition pour chaque artiste dans son lieu d’accueil avec temps de visite pour les salariés, leurs familles et le grand public – organisation d’un événement autour de ce parcours…

Outre cet ensemble de six restitutions et l’actualisation hebdomadaire de leur tableau blanc dans leur lieu d’accueil, les artistes n’ont pas de contrainte de production d’un objet au terme de leur période d’immersion, à moins qu’ils s’y soient engagés dans les obligations réciproques du contrat qu’ils auront signé avec leur organisation d’accueil.

Pistes de travail : Delphine Rigaud

- Organisations des postes de travail (photo et/ou dessin)
- Architecture du lieu physique de l’entreprise : différences entre les lieux dédiés aux différentes tâches/fonctions de l’entreprise. (Dimensions, déco, vocabulaire visuel identifié…)
- « Travailleurs de l’ombre » : personnel d’entretien, livreurs, gardiens de nuit, remplisseur de machine à café… Montrer le hors champs, le hors temps de l’entreprise. (Action documentée par vidéo, enregistrements sonores, photos)
- Notions de contraintes tacites ou explicites. (dessin, graphiques…)
- Lieux « off » du bâtiment : les endroits où personne ne va jamais, où la production est zéro (photo, repérage sur plan, édition d’un plan de visite).
- Les temps charnières : passages/ moments où l’individu passe du statut de particulier lambda à celui d’employé de l’entreprise : entrée & sortie d’usine, changement de tenue, pointage… (vidéo, photo)
- Dans le cas d’une immersion dans une entreprise dont l’activité est immatérielle (entreprise de services), quelle est la masse de résidus matériels produite ?
- Question du temps de l’entreprise : comment le rendre lisible autrement qu’avec une horloge ? Qu’est-ce qui rythme l’activité ?

Pistes de travail : Stéphanie Leininger

- Créer des micro-événements dans des interstices de temps et d’espace qui correspondent à un entre deux qui est d’ordre collectif. Ainsi, imaginer des interventions pouvant apporter un espace d’évasion fugace entre les temps de travail, dans les espaces communs. Les couloirs, la zone machine à café, les espaces de repos, le hall d’entrée, l’ascenseur, le parking. De même que quelques courtes minutes de sommeil peuvent s’avérer réparatrices, les espaces de transition habités de micro-événements inattendus peuvent constituer un souffle d’imaginaire pour des organismes soumis à une activité continue et où l’attention est mobilisée en permanence dans un champ donné.
- Créations de textes à partir du vocabulaire actif dans l’entreprise et détournement de ce langage pour composer des formes nouvelles, ouvertes et insaisissables, affichage des objets langage ainsi créés.
- Affichages sous la forme d’annonces inventées comme un jeu autour d’une poétique d’objets trouvés en recherche de leurs propriétaires.
- Création d’un « bureau des projets fictifs inutiles et impossibles «. Ce bureau, lieu de travail de l’artiste peut prendre toutes les formes, il peut être mobile, éphémère et protéiforme.
Il est un laboratoire-atelier où l’artiste expérimente son environnement, joue et explore ses données contextuelles et les réinterprète selon des codes personnels et des processus créatifs à partager.
Cet atelier bureau deviendra au fur et à mesure de son occupation par l’artiste un espace collectif où chacun sera invité à participer, à apporter ses idées, ses échappées d’imaginaire, étincelles de méditations et autres espaces de liberté.
On pourra y ajouter ou enlever des images, idées, textes, objets, n’y rien faire, s’y reposer, y parler ou juste passer pour voir quelques indices d’une collection d’impossible et d’éphémère suspendu au fil du vide espace créateur.

Un artiste en entreprise : pour quoi faire ?

« Le travail d’un artiste dans un contexte donné, perd de son intérêt si ce contexte est déplacé pour être reproduit dans un cadre muséal. On ne peut plus parler alors de travail contextuel mais plutôt de reproduction réaliste d’une situation donnée. Ici nous parlerons de travail circonstanciel, dans le sens où ce qui constitue l’œuvre c’est justement ce qui est en œuvre, ce qui se joue dans l’environnement du metteur en œuvre (celui qu’on nomme encore pour l’instant « artiste »). Le contexte en tant que tel, comme condition de création, de diffusion et d’existence de l’œuvre.»

Francis Guerrero, OPA Pistes de pensée mais à travers champs, 23 août 2007

Outre l’intérêt évident de ce projet pour l’élargissement pour les artistes des possibles de création et de rémunération, il nous paraît que la présence d’un artiste dans une entreprise peut être à l’origine d’expériences constructives pour les organisations dans les processus qu’elle conduisent en vue d’atteindre leur objectif .

Ainsi, l’artiste peut faire profiter l’entreprise d’une ouverture sur les méthodologies et moteurs propres à son activité, potentiellement partageables :

- Employer une grande liberté de méthode au service de la créativité et de l’invention.
- Apprendre à faire confiance à son intuition et à son talent.
- Avoir le besoin de savoir ce qui est essentiel.
- Connaître l’importance du détail.
- La conscience professionnelle est fondamentale.
- Encourager l’imagination, la fantaisie, la rupture, l’étrange.
- Rechercher le paradoxe.
- Expérimenter sans cesse.
- Jouer avec la prise de risque.
- Rendre contagieux l’enthousiasme et le désir.
- Assumer les échecs.
- Essayer de transformer les ratages en piste de travail.
- Instaurer un questionnement permanent.
- Contourner les hésitations paralysantes.
- Oser.
- Savoir transformer le stress en énergie créatrice.