BILAN OPA : DIFFICULTES, REPONSES ET POINTS POSITIFS

Les difficultés rencontrées

Lorsque j’ai pu décrocher des entretiens avec certains de mes prospects, j’ai constaté plusieurs difficultés :
. la première est la méconnaissance de la plupart de mes interlocuteurs des formes de création contemporaine autres que la peinture ou la sculpture quand les artistes que je leur proposai d’accueillir utilisent aussi et principalement les outils que sont la vidéo, la performance, les dispositifs participatifs ou les installations ;
. la deuxième consiste à accepter d’accueillir un artiste pour une carte blanche, sans avoir une idée précise au départ de ses éventuelles réalisations ;
. la troisième est la perception d’un sentiment de déception chez certains de ne pas avoir au terme de notre entretien une piste concrète de réalisation au sein de leur entreprise et aussi la perception que de devoir prendre un nouveau rendez-vous pour rencontrer un/des artistes était un nouvel effort à fournir, une étape en trop ;
. la quatrième a été le retour souvent positif, enthousiaste pour ce qui a été perçu comme un projet intéressant, innovant, mais « pas possible » dans l’entreprise de mon interlocuteur avec la suggestion d’aller voir d’autres entreprises « plus adaptées » (plus petites, plus grandes, plutôt des PME, plutôt dans un autre secteur…) ;
. la dernière a été la difficulté à obtenir des réponses claires et définitives de certains interlocuteurs.

Un sentiment général donc d’intérêt pour la proposition mais d’une sorte d’attentisme : « que d’autres se lancent en premier, nous attendons pour voir avant de nous engager. »

Les actions menées en réponse à ces difficultés

Ces premiers constats faits fin février, toute mon énergie a été portée sur le fait de rendre l’action OPA concrète :

. finalisation du blog, mise en ligne des contenus du projet, des bios des membres du groupe de réflexion, et de diaporamas présentant les réalisations des artistes.
. mise en place d’immersions pour alimenter le blog de restitutions et avoir des exemples concrets à montrer à mes interlocuteurs : mise en place d’une immersion en partenariat avec Gstudio, mise en place d’une immersion en partenariat avec le Comité d’Entreprise d’Arte et Arte GEIE.
. proposition aux artistes impliqués dans le projet d’entreprendre un démarchage actif auprès d’entreprises dont le secteur d’activité les inspire particulièrement avec transmission de la méthodologie d’entrée en relation avec d’éventuels commanditaires.

Suite au bilan intermédiaire produit fin juin, des actions ont été menées sur plusieurs points :

Augmentation de la visibilité du projet, opération de communication, amélioration de la lisibilité du blog :
· Edition et diffusion d’un flyer A5 présentant le programme OPA (distribution sur Strasbourg et envoi en France dans les lieux de diffusion artistique ainsi qu’à l’ensemble des réseaux et personnes contactées dans le cadre du groupe de réflexion).
· Mise à jour du blog OPA : Mise en ligne des restitutions hebdomadaires de tous les artistes en immersion. Rédaction d’une page d’accueil statique ciblée vers les entreprises et organisations pour que le blog soit immédiatement lisible.
· Installation des tableaux d’affichage OPA au Syndicat Potentiel (mise en place des lettrages, affichage du 4 pages, accrochage des tableaux blancs).
· Conférence à Mains d’Œuvres, lieu pour l’imagination artistique et citoyenne à Saint-Ouen, 5 octobre 2008.

Adaptation de la méthodologie d’approche des entreprises lors du démarchage :
· Mise à jour de la plaquette OPA pour offrir un cadre contractuel plus souple aux entreprises (durée d’immersion ajustable en fonction de l’artiste et de l’entreprise, pas de minimum de participation au titre du mécénat…).
· Tentatives de plusieurs stratégies de présentation du projet lors des rendez-vous (appui sur le concret réalisé en entreprise et au sein d’organisations par un ou des membres de l’équipe-projet, « quitte ou double » : présentation exhaustive et argumentée en fonction du secteur d’activité d’un seul artiste).

Création d’un événement à destination des acteurs du monde de l’art et de l’entreprise autour de la rencontre de leurs activités :
· Organisation de 3 journées de rencontres-discussions du 16 au 18 octobre 2008 autour des immersions réalisées dans le cadre d’OPA mais aussi d’autres expériences exemplaires (résidence de Marie Reinert aux Archives départementales d’Ille et Vilaine dans le cadre des Ateliers de Rennes et intervention d’Interim-équipe d’artistes au sein d’ARTE GEIE).
Objectifs : présenter les actions réalisées aux prospects, propager la démarche et générer une réflexion collective destinée à être partagée avec l’ensemble des acteurs intéressés par cette problématique.
· Communication sur les rencontres-discussions auprès d’un fichier de 480 contacts : presse locale, régionale, nationale et internet ainsi qu’acteurs identifiés du monde de l’art et de l’économie (institutions culturelles et économiques, personnes relais, membres du groupe de réflexion, ensemble des entreprises contactées…).

Elargissement de la démarche :
· Organisation d’un atelier-formation le 17 octobre 2008 destiné à tout artiste plasticien souhaitant engager des projets en relation avec l’entreprise (faisabilité, conseils, partage d’expériences). Animation de l’atelier en partenariat avec Hélène Mugnier (consultante Art & Entreprise) en présence de Clément Bastien (jeune chercheur en sciences politiques, auteur d’une étude sur la prise en compte de la démarche artistique par le chef d’entreprise et l’entreprise elle-même).

Les succès rencontrés

· Mise en place de 3 conventions d’immersion sur l’année.
· Signature de 2 conventions de mécénat (mécénat numéraire et mécénat de compétences).
· Soutien des 5 institutions publiques sollicitées : DRAC Alsace, Ville de Strasbourg, Conseil Général du Bas-Rhin, Région Alsace, ANPE (aides à l’emploi et de subventions publiques).
· Parution de 2 articles dans la presse papier (DNA du 10 octobre et du 16 octobre 2008) et de 7 articles annonçant les rencontres-discussion d’octobre (presse internet et réseaux sociaux).
· Suivi des rencontres-discussions Quand l’art fait de l’entreprise sa matière par 170 personnes sur 3 jours.
· Publication de 322 articles sur le blog OPA.
· Consultation du blog OPA depuis sa mise en ligne en décembre 2007 au 31 décembre 2008 : environ 10000 visites, 42000 pages vues.
· Constitution d’un réseau de 150 professionnels du monde de l’art et de l’entreprise intéressés par le projet.

Paul Ardenne

Paul Ardenne est agrégé d’Histoire et Docteur en Histoire de l’Art, critique d’art et commissaire d’exposition français, dans le domaine de l’art contemporain. Il enseigne à l’Université d’Amiens. Il est l’un des spécialistes français les plus avertis de l’art d’aujourd’hui (esthétique, art vivant, architecture, art et politique).

Extrait
« Un art dit « contextuel » regroupe toutes les créations qui s’ancrent dans les circonstances et se révèlent soucieuses de « tisser avec » la réalité. Une réalité que l’artiste veut faire plus que représenter, ce qui l’amène à délaisser les formes classiques de représentation (peinture, sculpture, photographie ou vidéo, lorsqu’elles sont utilisées comme uniques formules d’exposition) pour leur préférer la mise en rapport directe et sans intermédiaire de l’œuvre et du réel. Pour l’artiste il s’agit bien de « tisser avec » le monde qui l’entoure, de même que les contextes tissent et retissent la réalité. Loin de n’être qu’une illustration et une mise en figure des choses, loin de ne parler que de lui-même dans une démarche tautologique, loin de faire de l’idéal sa religion, l’art s’incarne, enrichi au contact du monde tel qu’il va, nourri pour le pire ou le meilleur des circonstances qui font, défont, rendent palpable ou moins palpable l’histoire.[…] Ce souci de vigilance, on s’en doute, n’est pas de nature paranoïaque, au sens où l’artiste pourrait craindre d’être le jouet d’une situation. Une telle attention atteste plutôt d’une prise de position résolue. La réalité, dit l’artiste revenu de la tentation de l’idéal ou du formalisme, c’est aussi mon affaire »

in P. Ardenne, Un art contextuel, Flammarion, 2002, p. 17-18.

Motivation : Catherine Gier

« Artiste recrutée dans le cadre du dispositif Précaritas, la problématique du travail, de son organisation, de sa gestion et de son impact sur nos vies est au cœur de ma pratique artistique.

Animer et développer le programme d’interventions d’artistes dans des entreprises et institutions publiques de la Région Alsace que se propose de lancer le Syndicat Potentiel s’inscrit dans ma démarche. Coordonner le programme OPA me permet aussi de mettre en œuvre et à l’épreuve mes convictions personnelles que recouvrent les enjeux et objectifs de l’action.

Je suis ainsi convaincue :
- de l’intérêt pour les artistes plasticiens de travailler en réseau et de mutualiser leurs expériences.
- de l’intérêt pour la société d’accueillir les artistes et leurs créations dans tous les lieux où les hommes se rencontrent pour élaborer ensemble en vue d’atteindre un objectif commun.
- de la nécessité d’expérimenter la richesse des formes produites par le travail d’un artiste plasticien en relation avec un contexte et une situation donnés.
- de la nécessité de ne pas attendre de l’Etat qu’il assume seul la survie des artistes au risque d’un interventionnisme niveleur, mais de son nécessaire soutient des démarches artistiques innovantes tant dans la rémunération du travail de l’artiste que dans les formes qu’il produit.
- de la pertinence de ne pas limiter les débouchés pour la création artistique au seul marché de l’art et d’inscrire l’artiste dans le champ élargi de l’économie, non pour l’instrumentaliser, mais pour mettre en œuvre sa compétence spécifique, son potentiel inéprouvé et offrir ainsi de nouvelles ressources à l’artiste plasticien et aux entreprises travaillant en relation avec lui.
Il s’agit donc pour moi, en manageant le projet OPA, de défendre un point de vue sur la place de l’artiste dans le monde contemporain et d’apporter mes compétences au Syndicat Potentiel. Compétences artistiques d’invention, d’imagination mais aussi compétences de vente, de gestion de projets et d’organisation d’événements acquise sur le terrain de l’entreprise (vendeuse et assistante de direction intérimaire aux Galeries Lafayette, chargée de communication pour une agence d’architecture et d’urbanisme, chargée de mission pour l’Association Architecture et Maîtres d’Ouvrage Alsace-Lorraine-Franche-Comté), mises à profit depuis 2004 pour mener à bien mes projets artistiques (Archivage chantier, Méridienne+Hélices, Actions contemplatives). »

Les formes de l’action

L’action OPA engendre la production de formes, chaque semaine, par les six artistes rendant compte de leur activité par le biais de 5 restitutions publiées sur 1 blog et affichées sur 6 tableaux d’affichage installés dans les entreprises d’immersion et au Syndicat Potentiel où se met également en place 1 centre logistique activé par l’artiste chef de projet sur toute la durée de l’action. Au terme de cette première édition d’OPA, 1 événement public est organisé permettant d’associer monstration et réflexion du travail accompli.

A. Cinq restitutions
Les cinq artistes rendent compte chaque semaine de leur situation d’immersion par le biais de six restitutions:
1. le débriefing (texte : actions en cours, réflexion sur l’évolution de son intervention et les incidences éventuelles de cette expérience sur sa pratique),
2. la fiche horaire (formalisation libre),
3. le lieu de travail (photo vue d’ensemble et détail),
4. les post-it (l’essence, la question, la nouveauté, le changement de la semaine) ;
5. la revue de presse (article, extrait d’une lecture).

B. Un blog
Le blog OPA, sur le modèle du projet Précaritas. Outre les restitutions de chacun des artistes, deux espaces sont prévus pour les échanges collectifs : la tribune des artistes OPA et celle du groupe de réflexion.

C. Six tableaux d’affichage
Les tableaux d’affichage, tableaux blancs magnétiques sur lesquels sont affichées chaque semaine les 6 restitutions des artistes. Ces 6 tableaux sont installés dans le(s) centre(s) d’art partenaires du projet et actualisés chaque semaine (les éléments sont transmis par le Syndicat Potentiel aux lieux partenaires du projet). Enfin, chaque artiste actualise son propre tableau accroché dans son organisation d’accueil.

D. Un centre logistique
Dispositif installé par Catherine Gier au Syndicat Potentiel, composé d’1 estrade, des 6 tableaux d’affichage, de 23 boîtes-archives et du bureau OPA - espace de travail open space de l’artiste-coordinatrice de l’action.

E. Une présentation publique du travail accompli
Un moment global de restitution sera pensée au terme de cette première session d’OPA : édition, exposition dans un centre d’art partenaire du projet, exposition pour chaque artiste dans son lieu d’accueil avec temps de visite pour les salariés, leurs familles et le grand public – organisation d’un événement autour de ce parcours…

Outre cet ensemble de six restitutions et l’actualisation hebdomadaire de leur tableau blanc dans leur lieu d’accueil, les artistes n’ont pas de contrainte de production d’un objet au terme de leur période d’immersion, à moins qu’ils s’y soient engagés dans les obligations réciproques du contrat qu’ils auront signé avec leur organisation d’accueil.

Pistes de travail : Stéphanie Leininger

- Créer des micro-événements dans des interstices de temps et d’espace qui correspondent à un entre deux qui est d’ordre collectif. Ainsi, imaginer des interventions pouvant apporter un espace d’évasion fugace entre les temps de travail, dans les espaces communs. Les couloirs, la zone machine à café, les espaces de repos, le hall d’entrée, l’ascenseur, le parking. De même que quelques courtes minutes de sommeil peuvent s’avérer réparatrices, les espaces de transition habités de micro-événements inattendus peuvent constituer un souffle d’imaginaire pour des organismes soumis à une activité continue et où l’attention est mobilisée en permanence dans un champ donné.
- Créations de textes à partir du vocabulaire actif dans l’entreprise et détournement de ce langage pour composer des formes nouvelles, ouvertes et insaisissables, affichage des objets langage ainsi créés.
- Affichages sous la forme d’annonces inventées comme un jeu autour d’une poétique d’objets trouvés en recherche de leurs propriétaires.
- Création d’un « bureau des projets fictifs inutiles et impossibles «. Ce bureau, lieu de travail de l’artiste peut prendre toutes les formes, il peut être mobile, éphémère et protéiforme.
Il est un laboratoire-atelier où l’artiste expérimente son environnement, joue et explore ses données contextuelles et les réinterprète selon des codes personnels et des processus créatifs à partager.
Cet atelier bureau deviendra au fur et à mesure de son occupation par l’artiste un espace collectif où chacun sera invité à participer, à apporter ses idées, ses échappées d’imaginaire, étincelles de méditations et autres espaces de liberté.
On pourra y ajouter ou enlever des images, idées, textes, objets, n’y rien faire, s’y reposer, y parler ou juste passer pour voir quelques indices d’une collection d’impossible et d’éphémère suspendu au fil du vide espace créateur.