Revue de presse (s.46)

Sur la souffrance au travail et les stratégies adoptées par les salariés pour s’en sortir.

Extrait.

« Une contrainte économique qui augmente le stress, un management pathogène, une autonomie épuisante, des relations avec le public plus tendues, etc., les cause de la souffrance au travail sont nombreuses. On peut d’ailleurs en trouver d’autres : le stress technologique et informationnel – celui des courriels et du téléphone portable – le manque de reconnaissance, la perte de sens, sans oublier le lancinant sentiment d’injustice.

Face au mal-être, aux mécontentements que l’on éprouve dans sa vie quotidienne, que faire ? La psychologie du coping nous enseigne que l’individu peut réagir aux frustrations de deux manières : fight or flight (fuir ou affronter la situation).

[…]

La fuite peut prendre la forme de la démission et du choix d’un autre travail ou d’une autre vie.

[…]

La défection peut prendre une forme moins héroïque. Désabusés par leur poste, certains décrochent mais sans prendre le risque de quitter leur emploi, leur entreprise ou leur administration. Ce sont les « désengagés de l’intérieur » , qui cultivent l’apathie morbide ou une forme de cynisme.

[…]

Une autre stratégie est celle de la confrontation. Plusieurs sociologues en appellent aujourd’hui à la résistance. Pour eux, le thème de la souffrance et de son traitement psychologique empêche une formulation sociale des problèmes et une canalisation collective des mécontentements. En somme, il faut reprendre la lutte, celle-ci pouvant être une pure logique de résistance ou au contraire prendre une forme plus créative de contre-projets.

Une autre voie consiste enfin à recourir à toute la gamme des stratégies d’adaptation : de la gestion du stress (relaxation, yoga) aux multiples techniques de gestion du temps, de la conduite de réunion, de la communication, de la gestion des conflits et de toute autre forme de coaching visant à remotiver et réenchanter le travail »

In Le blues du dimanche soir, J.-F. Dortier, Les Grands Dossiers des Sciences Humaines n°12, Septembre-octobre-novembre 2008, p.29

Revue de presse (s.45)

Affirmer et valider le glissement des choses aux processus dans l’art contemporain, extraits d’un éditorial d’André Rouillé.

« A une époque où l’informatique, les réseaux numériques et les jeux vidéos ont placé les rapports aux images sous le régime de l’interactivité, associant les yeux, qui les regardent, aux mains, qui les transforment et les déplacent sans cesse; à une époque, donc, où les spectateurs ont pris l’habitude d’être actifs face à des images ouvertes et interactives, le marché continue, lui, à conforter à l’inverse une choséification des œuvres et une passivité des spectateurs. Un fossé se creuse ainsi entre les œuvres-choses et les pratiques ordinaires et quotidiennes d’images, affectant l’audience et la pertinence sociale de l’art contemporain, et… hypothéquant son destin.

La crise serait le signe d’un retard de l’art-chose sur le cours du monde, de son impuissance croissante à en capter les force. La crise qui s’est traduite par les excès spéculatif du marché, est en réalité profondément liée à une disjonction de l’art d’avec les mouvements d’un monde qui est en train de basculer de l’univers des choses à celui  des processus.  Dans un monde de processus, le fétichisme de la chose leste l’art et le fige, le replie sur le passé et lui ferme les voies du devenir. Ainsi devenu autiste, l’art contemporain coupé du monde devient incapable d’en capter esthétiquement les mouvements et pulsations..

[…]

Refonder l’art reviendrait simultanément à transformer esthétiquement la place du spectateur, à le sortir de son face-à-face univoque et statique avec l’œuvre-chose, et à l’inscrire dans un processus dialogique de production d’œuvres-processus. Dès lors que les œuvres sont libérées des formes fixes de la représentation, et des rigidités autoréférentielles du modernisme, elles s’ouvrent à une réception active des spectateurs telle qu’elle s’est notamment manifestée dans les performances du dernier quart du XXe siècle, en particulier dans les Happenings d’Allan Kaprow, l’art corporel, et nombre d’œuvres en situation.

Ces œuvres-processus, qui reposent sur un alliage entre fabrication et exécution, entre l’art qui fabrique et celui qui exécute, entre les arts plastiques et le théâtre, inscrivent les spectateurs dans une expérience active et dialogique de l’art, et confèrent une épaisseur sociale aux œuvres. Une manière pour que l’art retrouve sa sensibilité au monde d’aujourd’hui..»

In Refonder l’art, des choses aux processus, A. Rouillé, Editorial N°254, Parisart, 6 novembre 2008

Motivation : Francis Guerrero

« Ancrage dans la réalité qui reste réelle dans l’œuvre.
Le travail d’un artiste dans un contexte donné, perd de son intérêt si ce contexte est déplacé pour être reproduit dans un cadre muséal. On ne peut plus parler alors de travail contextuel mais plutôt de reproduction réaliste d’une situation donnée.

Ici nous parlerons de travail circonstanciel, dans le sens où ce qui constitue l’œuvre c’est justement ce qui est en œuvre, ce qui se joue dans l’environnement du metteur en œuvre (celui qu’on nomme encore pour l’instant « artiste »).

Le contexte en tant que tel, comme condition de création, de diffusion et d’existence de l’œuvre.

L’œuvre dans un contexte n’est pas seule et occupe un espace partagé alors sa lecture est aussi multiple en fonction de l’intérêt des différents acteurs qui s’y confrontent.
Dans l’action contingente pour l’emploi des artistes Précaritas, annoncée comme œuvre, nous avons déjà pu constater qu’en fonction des interlocuteurs, différentes formes de regards et donc de discours se manifestaient (sociaux, sociologiques, politiques, esthétiques, militants, activistes, poétiques, a.n.p.e.tiques, informatiques, économiques…). Si c’est d’une part un gage du potentiel pédagogique de l’œuvre c’est aussi le rôle fondamental de toute œuvre qui doit pouvoir être appropriée par n’importe qui et à partir de son propre champ, son propre parcours, son expérience propre.

Alors l’art ne serait que l’art et paradoxalement ce serait pour ça qu’à côté d’autres disciplines il deviendrait médiant, endroit bancal des possibles et de l’impensé. »

Précaritas, un tournant pour le Syndicat Potentiel

L’autre n’est pas en moi
je ne suis pas en lui
il est juste quelque part
où j’ai été aussi une fois.

En 2007 le Syndicat potentiel a mené l’action Précaritas et par ce biais a posé, de façon pertinente, la question, de la place de l’artiste dans la société. Partant du constat que les modes classiques de diffusion (galerie, musée, centre d’art…) que proposent la plupart des organismes, dont l’objet est la promotion de l’art, ne correspondent plus tout à fait à la réalité qui fait le quotidien des artistes d’aujourd’hui tant sur le plan économique que plastique.

En effet, en employant des artistes qui étaient au RMI ou en situation précaire alors qu’ils avaient une réelle pratique, un vrai travail, l’association a souhaité aller au-delà d’une réponse qui se résumerait à la mise à disposition de surface d’accrochage, en prenant en compte la situation sociale et économique des artistes dont elle aurait la charge. L’utilisation de contrats aidés (CAE, CAV) a été une alternative qui a permis à 5 artistes d’être reconnus pour leur pratique, de sortir de leur précarité, de poser la question de la rémunération du travail artistique ou immatériel, et de proposer au public (à travers le blog) une vue sur le fonctionnement quotidien des artistes.

Ainsi l’action Précaritas se présente comme un tournant pour l’association qui s’est formulé entre autre durant la résidence formation de Niederhaslach (A travers champs) qui a eu lieu au mois d’août 2007 et dont le but était de réfléchir sur les contextes pouvant accueillir l’art. Face aux questions soulevées par les participants et les discussions avec de multiples partenaires, il apparaît inopportun, pour ne pas dire impossible, pour le Syndicat potentiel, de revenir à un fonctionnement qui ne prenne pas en compte la situation économique des artistes et qui ne cherche pas de nouvelles possibilités spatiales, de publics, de partenaires et de financements.

Il ne s’agit pas ici de faire le bilan de Précaritas qui ne se termine qu’en fin décembre, dont les répercussions ne sont pas encore vraiment visibles ou quantifiables et pour lequel une publication est prévue mais plutôt de concevoir une suite pour le fonctionnement des années avenirs. Nous savons néanmoins que nous ne reproduirons pas la formule des contrats aidés qui malgré ce qu’elle a permis reste une proposition précaire et préférons aussi que Précaritas garde sa singularité en tant qu’expérience symbolique et artistique unique.

Alors même que Précaritas n’est pas terminé, et en son sein, nous évoquons le projet OPA qui émane de la même volonté de trouver de nouveaux terrains pour une pratique artistique en phase avec le monde environnant et actuel, mise en place d’espaces contingents, de temps humain non systémique et d’acte subjectif dans la matière organisationnelle des fonctionnements de société.
Si, à l’échelle de notre monde, tout semble plein à tous les niveaux de ce qui nous est donné d’appréhender, de penser, cela ne veut pas dire, pour autant, qu’il n’y a plus de place libre. Certes, ce ne sont peut-être pas des terrains inexplorés, non foulés comme il y en avait encore dans la forêt amazonienne il y a quelques temps mais plutôt des terrains à débarrasser, à rendre vierges, à rendre neutre de tous prépensés qu’ils provoquent. Recréer en recyclant le surplein.

Francis Guerrero