Motivation : Catherine Gier

« Artiste recrutée dans le cadre du dispositif Précaritas, la problématique du travail, de son organisation, de sa gestion et de son impact sur nos vies est au cœur de ma pratique artistique.

Animer et développer le programme d’interventions d’artistes dans des entreprises et institutions publiques de la Région Alsace que se propose de lancer le Syndicat Potentiel s’inscrit dans ma démarche. Coordonner le programme OPA me permet aussi de mettre en œuvre et à l’épreuve mes convictions personnelles que recouvrent les enjeux et objectifs de l’action.

Je suis ainsi convaincue :
- de l’intérêt pour les artistes plasticiens de travailler en réseau et de mutualiser leurs expériences.
- de l’intérêt pour la société d’accueillir les artistes et leurs créations dans tous les lieux où les hommes se rencontrent pour élaborer ensemble en vue d’atteindre un objectif commun.
- de la nécessité d’expérimenter la richesse des formes produites par le travail d’un artiste plasticien en relation avec un contexte et une situation donnés.
- de la nécessité de ne pas attendre de l’Etat qu’il assume seul la survie des artistes au risque d’un interventionnisme niveleur, mais de son nécessaire soutient des démarches artistiques innovantes tant dans la rémunération du travail de l’artiste que dans les formes qu’il produit.
- de la pertinence de ne pas limiter les débouchés pour la création artistique au seul marché de l’art et d’inscrire l’artiste dans le champ élargi de l’économie, non pour l’instrumentaliser, mais pour mettre en œuvre sa compétence spécifique, son potentiel inéprouvé et offrir ainsi de nouvelles ressources à l’artiste plasticien et aux entreprises travaillant en relation avec lui.
Il s’agit donc pour moi, en manageant le projet OPA, de défendre un point de vue sur la place de l’artiste dans le monde contemporain et d’apporter mes compétences au Syndicat Potentiel. Compétences artistiques d’invention, d’imagination mais aussi compétences de vente, de gestion de projets et d’organisation d’événements acquise sur le terrain de l’entreprise (vendeuse et assistante de direction intérimaire aux Galeries Lafayette, chargée de communication pour une agence d’architecture et d’urbanisme, chargée de mission pour l’Association Architecture et Maîtres d’Ouvrage Alsace-Lorraine-Franche-Comté), mises à profit depuis 2004 pour mener à bien mes projets artistiques (Archivage chantier, Méridienne+Hélices, Actions contemplatives). »

La communication de l’action

A. Une plaquette de présentation du programme OPA destinée aux entreprises

Celle-ci comporte les informations essentielles présentant le programme OPA et son contexte :
- Buts du Syndicat Potentiel
- Objectifs de l’action OPA
- Présentation de projets d’artistes réalisés proches de ce qui pourrait advenir
- Des pistes-exemples d’actions des artistes dans les entreprises
- Comment se déroule une immersion ?
- La loi 2003 sur le mécénat et ses avantages (avec exemple)

B. Un blog mis à jour chaque semaine

Sur lequel on trouve les restitutions des 5 artistes et du chef de projet ainsi que les articles du groupe de réflexion.

C. Un dossier de presse

Transmis aux médias locaux et nationaux et internet (quotidiens, hebdos, radios, télés, médias spécialisés Art et Sciences Humaines).
Accompagné d’une relance téléphonique par le chef de projet.

D. Des cartons d’invitation pour les tables rondes et l’ouverture du centre logistique

E. Une newsletter de l’action envoyée aux partenaires du projet une fois par mois

La pensée de l’action

A. Un groupe de réflexion
Afin de constituer une somme de réflexion sur OPA et de partager et de propager les questions que pose l’action, un groupe de travail sera créé rassemblant artistes, théoriciens de l’art, journalistes-critiques d’art, directeurs de centres d’art, conseillers pour les arts plastiques, sociologues, consultants et/ou directeurs RH, psychologues du travail, chefs d’entreprise.

Les membres du groupe s’engagent à écrire un article qui sera publié sur le blog de l’action. Comme pour les restitutions des artistes, la fréquence de ces publications sera hebdomadaire.

B. Six tables rondes
Six tables rondes organisées au Syndicat Potentiel à Strasbourg rassemblant à chaque fois un artiste, des représentants de son entreprise d’immersion et un membre du groupe de réflexion, début de réflexion partagée avec le grand public- médiation.

C. Un colloque
Organisé à Strasbourg, rassemblant tous les intervenants du projet.
Diffusion des contributions sur le blog OPA et dans l’édition OPA.

Les formes de l’action

L’action OPA engendre la production de formes, chaque semaine, par les six artistes rendant compte de leur activité par le biais de 5 restitutions publiées sur 1 blog et affichées sur 6 tableaux d’affichage installés dans les entreprises d’immersion et au Syndicat Potentiel où se met également en place 1 centre logistique activé par l’artiste chef de projet sur toute la durée de l’action. Au terme de cette première édition d’OPA, 1 événement public est organisé permettant d’associer monstration et réflexion du travail accompli.

A. Cinq restitutions
Les cinq artistes rendent compte chaque semaine de leur situation d’immersion par le biais de six restitutions:
1. le débriefing (texte : actions en cours, réflexion sur l’évolution de son intervention et les incidences éventuelles de cette expérience sur sa pratique),
2. la fiche horaire (formalisation libre),
3. le lieu de travail (photo vue d’ensemble et détail),
4. les post-it (l’essence, la question, la nouveauté, le changement de la semaine) ;
5. la revue de presse (article, extrait d’une lecture).

B. Un blog
Le blog OPA, sur le modèle du projet Précaritas. Outre les restitutions de chacun des artistes, deux espaces sont prévus pour les échanges collectifs : la tribune des artistes OPA et celle du groupe de réflexion.

C. Six tableaux d’affichage
Les tableaux d’affichage, tableaux blancs magnétiques sur lesquels sont affichées chaque semaine les 6 restitutions des artistes. Ces 6 tableaux sont installés dans le(s) centre(s) d’art partenaires du projet et actualisés chaque semaine (les éléments sont transmis par le Syndicat Potentiel aux lieux partenaires du projet). Enfin, chaque artiste actualise son propre tableau accroché dans son organisation d’accueil.

D. Un centre logistique
Dispositif installé par Catherine Gier au Syndicat Potentiel, composé d’1 estrade, des 6 tableaux d’affichage, de 23 boîtes-archives et du bureau OPA - espace de travail open space de l’artiste-coordinatrice de l’action.

E. Une présentation publique du travail accompli
Un moment global de restitution sera pensée au terme de cette première session d’OPA : édition, exposition dans un centre d’art partenaire du projet, exposition pour chaque artiste dans son lieu d’accueil avec temps de visite pour les salariés, leurs familles et le grand public – organisation d’un événement autour de ce parcours…

Outre cet ensemble de six restitutions et l’actualisation hebdomadaire de leur tableau blanc dans leur lieu d’accueil, les artistes n’ont pas de contrainte de production d’un objet au terme de leur période d’immersion, à moins qu’ils s’y soient engagés dans les obligations réciproques du contrat qu’ils auront signé avec leur organisation d’accueil.

Pistes de travail : Julie Vayssière

- Récits :
Communication interne et externe.
Discours avec des mots, des images : charte graphique, signalétique, publications, annonces, communiqués, publicité, accueil hall, accueil, téléphone…

- Galaxie :
Entrée de l’extérieur.
Le rapport au reste du monde, à la vie extérieure des salariés (famille, hobby…), aux autres entreprises, au lieu d’implantation (entreprises alentour : associées, restaurants, cafés….), attitude face à la concurrence (guerres, accords…), réactions à l’actualité.

- Vaisseaux :
Communauté virtuelle (entreprises à plusieurs sites), collègues invisibles représentés par une voix au téléphone, des mails…
Absence des corps : costumes, uniformes, badges, codes vestimentaires (ex.: friday wear)…

- Lois :
Codes de conduite explicite et implicite.

- Liens humains :
Sujets de conversation aux moments de pause.

- Cerveaux :
Pensée / Valeur / Idéologie

- Architecture :
Délimitation, zone fermée (grillage, barrière, faussé, haie…), parking (places réservées)
Pancarte, logo, nomination du lieu, de l’activité…
Façade, entrée, arrière…
Bureaux, ateliers, cantine, cafétéria, machine à café, espace d’attente, espace de détente, salle des machines, photocopie,couloirs.
Plaques sur portes / mobilier / design / décoration.

Motivation : Julie Vayssière

« l’artiste est les artistes / le salarié est les salariés
l’artiste et les artistes / le salarié et les salariés
l’artiste et les salariés / les artistes et le salarié
l’artiste et le salarié / l’artiste est le salarié

Entreprise = micro monde
L’entreprise comme nouvelle forme de lieu, de moyen d’échange et de diffusion.
Se placer dans un contexte réel pour observer, tester, enregistrer, raconter…
Poser la question du statut de l’artiste, du rapport social, du rapport au monde.
Celle de l’artiste et du spectateur.

« L’artiste n’est pas le seul à accomplir l’acte de création car le spectateur établit le contact de l’œuvre avec le monde extérieur (…) et par là ajoute sa propre contribution au processus créatif. »
Marcel Duchamp

« Une entreprise est d’abord une aventure humaine. Ce sont des hommes. Et ils sont au service des hommes. »
Martin Bouygues »

Motivation : Francis Guerrero

« Ancrage dans la réalité qui reste réelle dans l’œuvre.
Le travail d’un artiste dans un contexte donné, perd de son intérêt si ce contexte est déplacé pour être reproduit dans un cadre muséal. On ne peut plus parler alors de travail contextuel mais plutôt de reproduction réaliste d’une situation donnée.

Ici nous parlerons de travail circonstanciel, dans le sens où ce qui constitue l’œuvre c’est justement ce qui est en œuvre, ce qui se joue dans l’environnement du metteur en œuvre (celui qu’on nomme encore pour l’instant « artiste »).

Le contexte en tant que tel, comme condition de création, de diffusion et d’existence de l’œuvre.

L’œuvre dans un contexte n’est pas seule et occupe un espace partagé alors sa lecture est aussi multiple en fonction de l’intérêt des différents acteurs qui s’y confrontent.
Dans l’action contingente pour l’emploi des artistes Précaritas, annoncée comme œuvre, nous avons déjà pu constater qu’en fonction des interlocuteurs, différentes formes de regards et donc de discours se manifestaient (sociaux, sociologiques, politiques, esthétiques, militants, activistes, poétiques, a.n.p.e.tiques, informatiques, économiques…). Si c’est d’une part un gage du potentiel pédagogique de l’œuvre c’est aussi le rôle fondamental de toute œuvre qui doit pouvoir être appropriée par n’importe qui et à partir de son propre champ, son propre parcours, son expérience propre.

Alors l’art ne serait que l’art et paradoxalement ce serait pour ça qu’à côté d’autres disciplines il deviendrait médiant, endroit bancal des possibles et de l’impensé. »

Motivation : Delphine Rigaud

«Travailler en tant qu’artiste au sein d’une entreprise serait un moyen d’être en prise directe avec la « réalité » du monde du travail, mettre en résonance deux logiques de travail, celle de l’artiste et celle de l’entreprise, pour une finalité commune.

Pour mon travail en général, ce type de contexte me permettra de partir d’une réalité objective, indépendante de mon seul choix. Le caractère organisé et planifié du travail en entreprise m’intéresse et serait potentiellement une base de réflexion. La multiplicité des compétences réunies pour un but commun a déjà été traitée à l’occasion de la pièce «Génériques» que j’ai créée en 2006 et continue de m’occuper l’esprit.

Travailler dans une entreprise en tant qu’artiste : amener de l’art là où il n’y en a pas à priori, pour et avec l’entreprise, qui elle, fait ce choix d’ouverture.

Déplacer le travail quotidien des employés, pour ouvrir sur une dimension « poétique ou poétisée ». Montrer la part de poésie, le potentiel de création que comporte une fonction aussi pragmatique soit-elle en apparence.»

Pistes de travail : Delphine Rigaud

- Organisations des postes de travail (photo et/ou dessin)
- Architecture du lieu physique de l’entreprise : différences entre les lieux dédiés aux différentes tâches/fonctions de l’entreprise. (Dimensions, déco, vocabulaire visuel identifié…)
- « Travailleurs de l’ombre » : personnel d’entretien, livreurs, gardiens de nuit, remplisseur de machine à café… Montrer le hors champs, le hors temps de l’entreprise. (Action documentée par vidéo, enregistrements sonores, photos)
- Notions de contraintes tacites ou explicites. (dessin, graphiques…)
- Lieux « off » du bâtiment : les endroits où personne ne va jamais, où la production est zéro (photo, repérage sur plan, édition d’un plan de visite).
- Les temps charnières : passages/ moments où l’individu passe du statut de particulier lambda à celui d’employé de l’entreprise : entrée & sortie d’usine, changement de tenue, pointage… (vidéo, photo)
- Dans le cas d’une immersion dans une entreprise dont l’activité est immatérielle (entreprise de services), quelle est la masse de résidus matériels produite ?
- Question du temps de l’entreprise : comment le rendre lisible autrement qu’avec une horloge ? Qu’est-ce qui rythme l’activité ?

Pistes de travail : Francis Guerrero

- Mise en place de dispositifs favorisant la prise de responsabilité et permettant aux usagers de participer à la réalisation d’une œuvre.
- Création de récits-fictions à partir du contexte de l’entreprise.
- Mise en place de processus de captation du vécu des personnels en fonction des problématiques repérées dans le lieu d’immersion, outils interactifs appropriables par les usagers.
- Travail poétique à partir des jargons propres au champ professionnel investi.
- Réalisation d’un film «carte postale» d’identification des décors de l’entreprise.
- Repérage et traçage des déplacements dans l’entreprise.