Revue de presse (s.39)

Au sujet de l’expression « la mondialisation de la culture » et des craintes  d’uniformisation culturelle.

«  La circulation migratoire de plus en plus intense conduit les groupes de migrants à remodeler sans cesse leur culture en fonction du nouveau contexte local. Le « local » n’est plus un lieu défini une fois pour toutes auquel serait attachée de manière fixe une culture particulière. Avec la mondialisation, il n’y a plus d’altérité radicale et les relations de chaque groupe avec son passé, avec lui-même, avec les autres, se réinventent constamment. La mondialisation stimule la fabrication d’identités collectives originales en multipliant les occasions d’échanges et de rencontres. »

In Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la globalisation, A. Appadurai, Payot, 2001

Revue de presse (s.38)

Au sujet de la vente aux enchères organisée par Damien Hirst chez Sotheby’s le 15 septembre 2008 et plus généralement de l’art dit « d’affaires ».

Extraits.

« Le monde de l’art n’est évidemment pas uniforme. Une mince strate de très riches artistes et acheteurs vedettes domine un vaste ensemble d’artistes et d’amateurs modestes, les deux extrêmes étant séparés par une large variété de situations. Autant les derniers rencontrent d’énormes difficultés à produire, vendre et diffuser leurs œuvres ; autant les premiers sont confrontés aux questions inverses de la spéculation et de la surexposition.

[…]

Démesure, outrance et provocation sont autant de formes de l’excès et du spectaculaire qui, dans un espace de concurrence internationale intense, assurent à certains artistes (somme toute assez peu nombreux) comme Koons et Hirst une forte visibilité auprès du public averti, des collectionneurs fortunés et des grandes institutions culturelles. Leurs exploits et scandales, leurs extravagances et records ne sont cependant pas extérieurs à leur art. Ils font au contraire directement partie de cette esthétique spectaculaire propre à cet «art d’affaires» qui tend à s’attirer les faveurs du monde des affaires.

[…]

Qu’en ces périodes de troubles et d’incertitudes, de crises financières et de misère sociale, certaines grandes fortunes se tournent avec une telle insolence vers ces œuvres-là met en évidence les fractures et les disparités du monde.

[…]

Plus fondamentalement encore, l’omniprésence du vide et de la mort dans l’«art d’affaires» renvoie assurément à son univers de marchandise. Parce que la marchandise est dans son essence vacuité et mort. Vacuité, sans laquelle elle ne serait pas interchangeable ; mort, parce qu’en elle les valeurs humaines de la vie sont abolies en nombres, les qualités en quantités. »

In Koons, Hirst et Cie : art, fric et démesure, A. Rouillé, Editorial N°247, ParisArt, 19 septembre 2008

Revue de presse (s.37)

Article publié “A la une” sur FocusRH, entretien avec Eric Seuilliet, consultant, fondateur du cabinet de conseil e-Mergences.

Extraits.

« Longtemps éloignés des acteurs économiques, les créateurs contemporains deviennent aujourd’hui des consultants à part entière. Ils interviennent au niveau de l’innovation produit mais également au niveau de l’approche RH. »

« Les artistes, grâce à leur sensibilité, s’imprègnent de leur environnement et deviennent des capteurs d’informations, de véritables moteurs de recherche, des catalyseurs d’idées. »

In Les artistes infiltrent l’entreprise, C. Lambolez, FocusRH, 7 mars 2007

Revue de presse (s.36)

Autour du livre de Hal Forster, Design and crime, paru aux Etats-Unis en 2002 et en France en avril 2008.

Extraits.

« L’époque ? La nôtre, celle du capitalisme immatériel, de l’économie post-fordienne, du commerce des signes et des symboles, du mégastore et du buzz, du triomphe des marques, de la marchandise sans cesse renouvelée et redesignée. Les protagonistes ? Ils sont deux, de force très inégale : l’art et le marché (…), réunis dans un baiser mortel, du moins pour le premier.

[…]

En 1908, dans son texte intitulé Ornement et crime (ou Design and crime), « Adolf Loos récuse la prétention de l’Art nouveau à vouloir effacer la frontière entre l’art et l’artisanat, l’art et la vie, à tout vouloir confondre et enrégimenter dans un projet d’art total, jusqu’aux interrupteurs et aux cendriers. A cette colonisation de la vie quotidienne par une utopie qu’il juge mortifère, Loos oppose la nécessaire séparation des disciplines et des registres, seule à même de préserver l’espace de jeu et le recul critique sans lesquels l’art est condamné à la stérilité ou au bavardage. Il en appelle à la rigueur, à l’austérité, à l’inachevé. Au-delà d’une querelle d’époque, il est question du statut de l’art dans les sociétés modernes, de son autonomie, de ses discours, de son territoire, de sa vie ou de sa mort.

[…]

Ainsi aujourd’hui, selon Hal Forster, « Le projet ancien de réconcilier l’Art et la Vie […] s’est enfin accompli, non en suivant les ambitions émancipatrices de l’avant-garde, mais en obéissant aux injonctions spectaculaires de l’industriel culturelle ».

[…]

Dans le dernier chapitre de son livre, « Erreur sur le cadavre », il dessine […] ce fameux « espace de jeu » […]. Retrouver, sans invoquer un passé idéal, l’autonomie de l’art vis-à-vis du marché autant que de la culture […], telle devient en effet  l’une des tâches d’aujourd’hui et de demain. »

In L’art confisqué, N. Conrod, Télérama N°3059, p.34-35

Revue de presse (s.35)

Sur le travail artistique observé par les ethnologues, extraits de l’introduction du n°113 de la revue Ethnologie française.

« Le travail artistique est un objet difficile à saisir, encore peu étudié malgré le fort attrait qu’il suscite dans notre société. Souvent placé sous le registre de la « vocation », il échappe aux analyses classiques des sciences sociales. Empreint de sentiments passionnés et d’implications subjectives dans l’accomplissement de l’œuvre, il ne facilite guère la distanciation. Dans la mesure où il est plutôt fluide, fuyant et parfois même solitaire, le travail artistique rend difficile la reconstitution de ses principes collectifs d’action, que la question soit posée en termes de « mondes de l’art » [Becker, 1982], de « champ artistique » [Bourdieu, 199] ou de « médiation » [Hennion, 1993]. »

« Le travail artistique comme activité collective.
« … du fait de son caractère éclaté, valorisant l’acte unique, faisant souvent l’objet de stratégies de déni de son caractère organisé, hiérarchique et parfois conflictuel, le travail artistique est difficile à saisir dans ses dimensions collectives.
..
La valorisation de l’inspiration individuelle, de l’unicité de l’œuvre et du registre de la vocation [Heinich, 2005] tend aussi à masquer ce que des recherches empiriques identifient sans cesse : les ressorts collectifs, tendus, conflictuels de l’acte créatif . »

« Accéder au cœur de la création artistique.
« …Le repérage des sensations, des ressentis ou des stratégies pour masquer les réalités du métier peut nécessiter une expérience directe de l’activité artistique par le chercheur [Buscatto, 2005]. Magali Sizorn, en se mettant « dans la peau » des trapézistes, a entendu, « vu » et ressenti les manières dont se construisent les corporéités des circassiens. Le trapèze évoque légèreté et grâce, image savamment entretenue par les trapézistes à travers leurs sourires et leurs paroles enthousiastes. Mais son expérience directe de la trapézie a mené l’auteure à identifier leurs stratégies pour déjouer les douleurs, les blessures, les peurs, pour faire taire leurs sensations négatives, autrement dit pour mettre au jour les contraintes exercées sur les corps afin de les dompter dans le sens artistique visé. »

Le travail artistique est rarement regardé « de l’intérieur », du point de vue de ceux et de celles qui s’y consacrent au quotidien, dans la durée, souvent de manière peu visible. C’est l’enquête par observations qui permet d’y parvenir. »

« De l’idéal artistique au travail « ordinaire ».
« …Que se passe-t-il encore pour les artistes lorsqu’ils et elles réalisent des interventions dans des mondes aux logiques a priori étrangères aux réalités artistiques ? Selon les observations menées par Jean-Paul Filiod, les artistes intervenant dans des écoles maternelles voient leurs identités, leurs compétences, leurs savoirs se diversifier, se complexifier, se brouiller par le seul contact avec ce territoire professionnel nouveau. Toujours artistes dans leur esprit, plutôt pédagogues dans leurs actes, les trajectoires et les définitions de soi se multiplient entre investissements identitaires et renégociations des définitions de leurs actes professionnels. »

In L’art au travail, L’art et la manière : ethnographies du travail artistique, M. Buscatto, Ethnologie française, N°113, 2008/1, Introduction, p.5 à 13,

Revue de presse (s.33)

Un article interrogeant la place du corps dans le christianisme, entre « anoblissement » et « mésestime ».

Extrait.

« Qu’elle soit synonyme d’ascèse radicale, de jeûne sévère et de mortifications diverses, de souffrances à [soi]-même infligées […] ou qu’elle […] conduise à des instants d’extase présentant de troublants échos avec le transport érotique, la démarche mystique est sensible, corporelle, sensuelle. »

In Nous ne sommes pas des anges, N. Crom, Télérama N°3056-3057, p.46-47

Revue de presse (s.32)

Extraits d’un article relatant les échanges lors de leur rencontre entre Angela Laurier, contorsionniste et Dominique Mercy, danseur. Le corps dans l’art et l’art dans le corps, face au temps.

Dominique Mercy,

« J’ai toujours dansé et j’ai eu la chance d’avoir autour de moi des gens attentifs. […] La seule bataille que j’ai eue à mener est le travail. Le travail, rien que ça ! »

« Parce que je m’écoute mieux et parce que j’enseigne aussi, j’ai besoin de moins d’efforts pour arriver au même résultat »

Angela Laurier,

“Le soin que j’apporte à ma préparation physique et mentale est de plus en plus important. Avant, j’étais une machine, aujourd’hui je tiens compte de mon état… C’est un long chemin, comme revenir vers soi ».

In Un pied de nez au temps, D. Conrod, Télérama N°3056-3057, p.38-40

Où en est-tu de ma peinture demanda l’empereur ?

metagrenouille-copie.gif

Lectures 1- le vaisseau.

le-vaisseau-de-muaddib.gif

Y a-t-il donc ici un château ?

- Dans quel village me suis-je égaré ? Y a-t-il donc ici un château ?

- Mais oui, dit le jeune homme lentement, et quelques-uns des paysans hochèrent la tête, c’est le château de M. le Comte Westwest.

- Il faut avoir une autorisation pour pouvoir passer la nuit ? demanda K. comme s’il cherchait à se convaincre qu’il n’avait pas rêvé ce qu’on lui avait dit.

extrait du roman “Le château” de Kafka